Moins 0,1 %, moins 0,2 % : ces chiffres n’ont rien d’abstrait. Ils font irruption dans le débat, froids et sans appel, et dressent le portrait d’une France au ralenti. L’Insee vient de confirmer deux trimestres consécutifs de recul du PIB en ce début 2024, tandis que la Banque de France conserve une estimation positive sur l’ensemble de l’année. D’un côté, des signaux de reprise pointent pour la seconde moitié de l’année ; de l’autre, les économistes divergent sur la profondeur réelle du ralentissement et la capacité du pays à rebondir.
Si l’on scrute les indicateurs avancés, c’est un jeu de contrastes qui se dessine. D’un côté, la demande intérieure montre des signes d’essoufflement, tandis que le taux de chômage, lui, reste étonnamment bas. Mais la confiance des ménages, elle, flanche : les Français se montrent prudents, réduisent leurs dépenses, et cela se répercute sur l’ensemble de l’économie. Les entreprises, elles aussi, hésitent, en particulier dans l’immobilier où les investissements s’envolent ou s’effondrent d’un trimestre à l’autre. Ce climat d’incertitude façonne déjà les projections 2025, qui s’appuient sur des ajustements budgétaires à venir et sur la volatilité persistante du marché.
Où en est l’économie française à l’aube de 2025 ?
La croissance en France avance en terrain miné. Après deux trimestres de repli du PIB début 2024, la récession technique s’est installée, mais sans effondrement brutal. On reste loin du cataclysme de 2009 : la baisse, mesurée à -0,1 % puis -0,2 %, révèle davantage une économie grippée qu’à l’arrêt complet. Pourtant, derrière cette résistance relative, l’emploi surprend par sa solidité. Le chômage ne s’envole pas, preuve que la dynamique sur le marché du travail ne s’est pas encore brisée.
Mais la France avance sur une ligne de crête, coincée entre une instabilité politique grandissante et des choix budgétaires qui s’annoncent délicats. Les dépenses de l’État, toujours imposantes, pèsent sur les équilibres. La consommation des ménages ne reprend pas vraiment, freinée par une inflation qui, même en ralentissant, continue d’éroder le pouvoir d’achat. Sur le terrain, les patrons diffèrent leurs projets, l’industrie marque un temps d’arrêt, les services ralentissent. Plusieurs éléments viennent illustrer cette situation :
- La croissance annuelle du PIB, pour 2024, devrait à peine dépasser le seuil positif, à en croire les calculs de la Banque de France.
- Le chômage reste maîtrisé, mais certains secteurs montrent déjà des premiers signes de tension.
- Les prévisions pour 2025 restent mesurées : la Banque de France anticipe +0,8 % de croissance, l’Insee +0,9 %.
L’évolution des prochains trimestres dépendra avant tout du retour de la confiance. Les ménages scrutent l’évolution de leur budget, les entreprises réclament de la visibilité sur la fiscalité et la stabilité politique. La progression limitée des prestations sociales bride le soutien à la consommation. En clair, la France navigue à vue, écartelée entre la tentation du repli et l’espoir d’une embellie à venir.
Les prévisions des principaux instituts pour l’année à venir
La Banque de France a réajusté ses chiffres, et le verdict reste sans éclat. François Villeroy de Galhau, son gouverneur, parie désormais sur une croissance du PIB limitée à 0,8 % cette année. L’hypothèse d’une accélération pour 2025 circule, mais sans enthousiasme. La France traverse une période d’attentisme, entre inflation persistante et demande intérieure qui piétine.
L’Insee, de son côté, ne voit pas d’élan se profiler à l’horizon. Ses projections pour 2024-2025 oscillent entre +0,8 % et +0,9 %. Les consommateurs coupent dans leurs dépenses ; les entreprises, prudentes, reportent leurs investissements. La prochaine loi de finances, très attendue, devra composer avec des marges de manœuvre réduites et l’impératif de réduction du déficit public.
Sur le plan européen, la Banque centrale européenne garde l’œil sur l’ensemble de la zone euro. La France partage la morosité ambiante. Les prévisions de la BCE plafonnent autour de 0,9 % pour la zone, plombées par une conjoncture internationale incertaine et des tensions politiques qui ne faiblissent pas.
- Banque de France : 0,8 % de croissance prévue en 2024
- Insee : entre 0,8 % et 0,9 %
- BCE : 0,9 % pour l’ensemble de la zone euro
Le gouverneur de la Banque de France pointe du doigt des moteurs traditionnels grippés : un commerce extérieur peu dynamique, une économie mondiale qui peine à redémarrer. Malgré tout, le marché du travail tient encore debout. L’attention se focalise désormais sur les décisions à venir de la BCE et sur la stratégie budgétaire que le gouvernement français devra adopter.
Quels risques pour l’emploi et le marché immobilier en cas de récession ?
Le scénario d’une récession prolongée fait planer des incertitudes sur le marché du travail. Si la croissance ne repart pas, le risque est réel : les embauches pourraient être gelées, voire réduites. Ce sont d’abord les contrats courts et l’intérim qui font les frais des ralentissements conjoncturels. Les secteurs dépendants de la consommation sont les plus exposés : si les ménages se montrent frileux, l’activité recule, et les suppressions de postes s’enchaînent.
Dans le même temps, la prudence domine du côté des ménages. Le marché immobilier en subit déjà les conséquences. Entre taux d’intérêt élevés et sentiment d’incertitude, de nombreux Français repoussent leurs projets d’achat. Les primo-accédants, en particulier, restent à l’écart, freinés par la difficulté d’accès au crédit et la crainte d’une nouvelle baisse des prix. Les transactions s’espacent, les chantiers sont reportés ; tout un secteur tourne au ralenti, faute de visibilité.
- Un taux de chômage qui risquerait de repartir à la hausse si la contraction économique se confirme
- Un marché immobilier paralysé par la prudence des banques et l’attentisme des acheteurs
- Des investissements différés, avec un impact direct sur la filière construction et l’ensemble du secteur
Les équipes de l’Insee scrutent de près le comportement des ménages : chaque variation dans la consommation, chaque report de projet devient un signal précieux pour anticiper la suite. Sur le plan politique, la tentation d’un retour aux droits de douane ou à des politiques protectionnistes, à la suite des déclarations de Donald Trump, n’est pas exclue. L’économie française reste tributaire de ces incertitudes, ballotée au gré des annonces et des tensions mondiales.
Regards d’experts : quelles perspectives pour la France au-delà de 2025 ?
Pour la suite, l’incertitude reste le fil rouge. Les économistes s’accordent : tout dépendra du contexte international et des choix de politique économique. Un retour à une croissance plus dynamique n’est pas impossible si la situation mondiale se stabilise. Mais il faut compter avec le risque d’une croissance durablement faible, sous l’effet d’une dette publique élevée, d’un marché du travail sous pression et d’une conjoncture internationale difficile.
Trois scénarios se dessinent
- Une reprise progressive sur 2026-2028, portée par un regain d’investissement et une demande internationale mieux orientée.
- La poursuite d’une croissance molle, conséquence d’un endettement qui pèse, d’un marché du travail toujours fragile et d’un contexte économique tendu.
- Une rechute si les tensions géopolitiques persistent ou si la fragmentation du marché européen s’accentue.
Les trajectoires futures dépendront fortement de la discipline budgétaire et de la dynamique européenne. La Cour des comptes et la BCE rappellent la nécessité de surveiller de près l’évolution des déficits. Certains analystes parient sur un effet ponctuel des Jeux Olympiques de Paris, mais personne n’imagine un impact durable sur la croissance.
La question du financement des aides sociales et de la réforme de la dépense publique restera au centre des débats. Les experts de la Banque de France insistent : sans adaptation rapide du projet de loi de finances aux nouvelles contraintes, les marges de manœuvre s’amenuiseront d’année en année. La suite s’écrira au rythme des chantiers à venir et des choix collectifs : dans ce paysage mouvant, chaque décision pèsera plus que jamais sur l’avenir du pays.


